Théâtre : Un pedigree

Après son show cannois, on aurait pu croire qu’Edouard Baer avait ramené trop de paillettes du fond de ses poches de smoking et qu’il serait encore dans l’euphorie de la fête et loin de la concentration nécessaire à la scène.

Le voir au théâtre pour la première fois, dans un exercice difficile à interpréter me laissait songeuse : une lecture et surtout l’histoire d’un début de vie, celle de Patrick Modiano dans «Un pedigree».

Le décor est minimaliste : un bureau et une lampe de travail. Edouard Baer arrive et commence la lecture par une énumération de lieux et de noms, sont-ils si utiles pour chercher ses racines et retrouver ses liens familiaux ?

Modiano a grandi seul, livré à lui-même d’une mère artiste rêvant de briller sur les planches parisiennes et d’un père si étranger qu’il l’appellera un jour monsieur.

Des parents absents et une lecture qui nous fait voyager à travers Paris et la province, des pensionnats de Patrick à sa solitude, les frasques de ses parents…
«Les événements que j’évoquerai jusqu’à ma vingt et unième année, je les ai vécus en transparence – ce procédé qui consiste à faire défiler en arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de studio ».
Toute l’histoire de son enfance jusqu’à ses 21 ans est ici résumée, dans une famille où le néant est roi.

Enchaîner les pensions et dès sa plus tendre enfance perdre son frère : l’unique être qui aurait pu le sortir de la morosité de la solitude, être seul encore et toujours, et faire semblant de vivre SA vie.

Edouard Baer nous fait revivre son enfance et simultanément un grand pan de l’histoire, de l’occupation aux rafles, du procès de Nuremberg à la guerre d’Algérie, puis enfin l’éclosion de l’artiste qui peut enfin s’exprimer dans l’écriture, après 21 ans d’attente insoutenable.

Au final le public est debout, subjugué par le flot d’émotions d’une vie qui n’est pas la sienne mais qui pourtant lui semble si proche.
Edouard Baer acclamé nous démontre avec talent qu’il est un artiste multi-facettes, un touche à tout de génie.
Il ajoute une énième corde à son arc, et quelle jolie corde…

Pour tout vous avouer j’aurais encore voulu l’applaudir quelques minutes.

J’ai acheté le livre tout de suite, pour le lire et le relire car l’histoire de Modiano est superbement écrite et j’aurai plaisir à me remémorer le dernier paragraphe de celui-ci, un peu comme une mini thérapie lorsqu’on se sent dépassé par les sentiments de la vie.


La pièce est prolongée jusqu’au 28 juin
Théâtre de l’Atelier, 18ème

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